Chapitre 3 : Ecrire

Installé devant sa machine à écrire, il n'était pas satisfait de ces deux premiers chapitres. Cette rencontre entre la jeune fille et l'homme seul doit avoir lieu, mais pas de cette manière...

Cet homme, c'est un peu lui. Mais ce métro, cette foule, ce kiosque à journaux ne lui ressemblent pas, lui qui sort si peu de son studio sous les toits du 11e arrondissement de Paris. Tout au plus se risque t'il à aller faire quelques pas le long du Canal Saint Martin, rencontrer ses anciens compagnons d'infortune qui n'ont pas de toit, eux.

L'inspiration il l'a connue, ce premier roman qui lui a permis de se sortir de la galère était une vraie réussite. Une réussite modeste, évidemment, mais cela lui suffisait pour l'essentiel : ne plus avoir froid, ne plus avoir faim.
Depuis, il est entré dans cette spirale qu'il ne maitrise plus. Il n'est même pas certain de l'avoir voulu vraiment.

Son éditeur le harcèle semaine après semaine pour qu'il sorte cette suite, pour qu'il fasse vivre son héros, pour que ce deuxième opus connaisse le même succès que son prédécesseur.

Mais il ne le veut pas...

Il le faut pourtant : les droits du premier roman ne lui rapportent plus beaucoup et bientôt, s'il ne fait rien, il ne pourra garder son appartement. Il devra retourner à la rue.

Mais il ne le veut plus...

Enfant, il avait été marqué par un film que l'on qualifie de "populaire". Pas par le film en lui même, mais par son héros : un écrivain en mal d'inspiration, sur la mauvaise pente, qui ne s'identifiait que trop à son personnage, joué par Belmondo. Ce film, c'était Le Magnifique.
Aujourd'hui, il se trouve beaucoup trop proche de cet écrivain. Écrire, ce plaisir qui était sa raison de vivre, est devenu son moyen de vivre. Et s'il arrête il devra retourner à la rue. Et cela n'est pas possible !

Non. Cette rencontre aura bien lieu, mais pas à Paris, pas dans la foule, pas dans le bruit.
Elle ira retrouver Paul, évidemment, il l'attendra sur sa Vespa GTV, évidemment, mais pas à Paris, pas dans la foule, pas dans le bruit.
Il n'aime plus Paris, sa foule, son bruit.

Cet homme, c'est un peu Lui.
Lui, et son village natal niché dans ce vallon.
Lui, et son amie d'enfance, perdue de vue depuis ses 16 ans.

Cette jeune fille, c'est un peu Elle.
Elle, venue s'installer dans ce village niché dans ce vallon.
Elle, qu'il n'a plus revue depuis ses 16 ans.

Ils se retrouveront évidemment, mais pas à Paris, pas dans la foule, pas dans le bruit...

Il écarte les tasses de café, vides ; les bouteilles de bière, vides ; le vieux carton à pizza, vide ; et il prend une nouvelle feuille, blanche...

Et je laisse l'honneur à Titimoby de nous proposer la suite ! :)